Auguste de Niederhäusern dit Rodo 1863-1913

"Le sarment"

Bronze sur socle en marbre, fonte à cire perdue Valsuani numéroté 1
1912
H: 24,5 cm L: 31 cm Prof: 14 cm avec le marbre

Bronze on marble base, cire perdue cast by Valsuani, numbered 1
1912
H: 24,5 cm W: 31 cm D: 14 cm with marble base

En 2001, le Musée d’Art et d’Histoire de Genève inaugurait une première
rétrospective du sculpteur Rodo, intitulée «Auguste de Niederhäusern
(1863-1913). Un visionnaire entre Genève et Paris», qui a contribué à sortir cet
artiste de l’ombre dans laquelle une carrière trop brève l’avait placé. Une
quarantaine de sculptures y étaient présentées, issues de la collection du
musée, accompagnées de dessins et de documents, mais qui marquait surtout
la sortie d’un important catalogue raisonné de son œuvre qui a permis de le
faire reconnaitre à sa juste valeur esthétique, dans son temps, et de retracer la
constellation d’artistes et d’amis célèbres qui ont jalonné sa carrière, parisienne
et genevoise. (Consulter: «Rodo. Un sculpteur entre la Suisse et Paris.
Catalogue raisonné» établi par Claude Lapaire (ancien directeur du MAH).
Edition Benteli avec l’appui de l’Institut pour l’étude de l’art, Zurich et Lausanne,
2001. 423 p.).
D’origine bernoise, Rodo fait une formation artistique très complète, de 1881 à
1887: d’abord à l’Ecole des Arts industriels et aux Beaux-Arts de Genève, puis
à l’Académie Julian et aux Beaux-Arts de Paris. Sa carrière parisienne
commence à partir de 1892, lorsqu’il devient le principal collaborateur
d’Auguste Rodin, jusqu’en 1898 (Rodin le soutiendra par la suite). Il se lie
d’amitié avec Antoine Bourdelle, fréquente Ferdinand Hodler (on dira d’ailleurs
plus tard qu’il fut le «Hodler de la sculpture»). Il obtient une Médaillle d’or à
l’Exposition Universelle de 1900. II côtoie à Paris d’autres artistes suisses, tels
qu’Eugène Grasset, Alexandre Perrier, et il se rapproche des milieux symbolistes
et rosicruciens. Il est surtout l’ami de Mallarmé et de Paul Verlaine, dont il
sculpte le monument érigé en 1911 à la gloire du poète dans le Jardin du
Luxembourg à Paris et qui lui vaudra une nomination au titre de Chevalier de la
Légion d’Honneur en France. Durant cette carrière parisienne, Rodo a son
atelier rue Dutot dans le XVe arrondissement. Il fréquente les bons sculpteurs
de sa génération qui gravitaient autour des cercles de Rodin et de Bourdelle,
parmi lesquels les deux frères sculpteurs Gaston et Lucien Schnegg ou bien
encore François Pompon.
A son retour en Suisse, Rodo sculpte principalement les trois grandes figures
allégoriques du Palais Fédéral à Berne (Helvétia, le Pouvoir Exécutif et le
Pouvoir législatif). Après sa mort survenue en 1913, sa sculpture du Prophète
Jérémie est érigée en 1931, toujours visible devant la Cathédrale Saint-Pierre
de Genève.
Outre l’influence considérable qu’Auguste Rodin eut dans son parcours de
vie, Rodo croisa également à Paris d’autres artistes qui jouèrent un rôle
important dans son évolution artistique: parmi eux, le peintre Cuno Amiet, qui
fit un beau portrait de Rodo, conservé au MAH, le montrant sa silhouette
massive et barbu telle une montagne, les frère Giacometti, Ferdinand Hodler,
Jean-Baptiste Carpeaux… Tous ces portraits sculptés de proches de Rodo
figurent dans la collection du Musée d’Art et d’Histoire. Au terme de cette
carrière trop brève et parsemée de renoncements et d’échecs (de nombreux
projets avortés), seulement 300 sculptures sont recensées au catalogue
raisonné, c’est dire combien les œuvres de Rodo qui circulent aujourd’hui sur
le marché de l’Art sont rares et recherchées. Il est en effet l’un de ceux qui a
refusé les formes académiques dominantes de son époque, pour renouveler
complètement la sculpture du tournant du XXe siècle. Il est un moderne franc-
tireur de son temps, une forte personnalité qui mérite aujourd’hui une
reconnaissance plus grande.
Je vous propose à la vente, de cet artiste, une magnifique étude de nu
féminin, intitulée «Le Sarment» datée de 1912, réalisée à Paris (N°264 du
catalogue raisonné, reproduit p.364). Le tirage est mentionné sur le bronze
«numéroté 1», cachet du fondeur Claude Valsuani (CIRE/VALSUANI/
PERDUE). Dimensions: haut. 23, larg. 29.5, prof. 13 cm.
Une version similaire («numéroté 2») est conservée au MAH de Genève,
achetée en 1925 à la veuve de l’artiste, selon laquelle le bronze n’aurait été
tiré qu’à deux exemplaires seulement. Une photo prise dans une exposition à
Genève en 1915-1917 montre l’exemplaire du musée, qui a également été
présenté dans une exposition à Berne en 1914, et plus récemment au Musée
Rath en 1984 dans l’exposition «Sculptures du XXe siècle. De Rodin à
Tinguely. Collections du Musée d'art et d’histoire».
Son expression stylistique est très inspirée par Rodin. Le corps est
tourmenté, comme pris de convulsions, noueux, tel un sarment de vigne, d’où
son titre actuel. Un titre ancien (sur l’enregistrement du tirage conservé au
MAH), est «Le Sarment. Poème du feu», ou «le supplice du feu», tel qu’il est
restitué dans un commentaire d’Appolinaire en 1912, qui la qualifie «d’œuvre
nerveuse, inquiétante et d’une patine singulière». Dans une lettre adressé à
sa femme, le 16 février 1912, peu avant l’élaboration de cette sculpture
(parmi ses dernières œuvres réalisées), l’artiste écrit ces quelques mots
mystérieux qui renseignent bien sur l’inspiration de la pièce: «Je vais te
laisser le soin des terres. Si par hasard il y avait quelque chose de fondu ou
de tombé, laisse-le tel quel, surtout pour la petite figure qui brûle…».